Je verrai toujours vos visages : une immersion (presque) parfaite


Note : 4 sur 7.

Aujourd’hui retour dans le cinéma français et dans le drame social,
La réalisatrice Jeanne Herry à qui l’on doit Pupille, revient avec un film fort qui se situe un peu dans la même veine puisque, la aussi, le thème du film s’intéresse aux rouages humains dans les institutions sociales françaises.


Dans le cas présent, le film s’intéresse donc à la justice restaurative , un processus mis en place en 2014, qui intervient après les peines prononcées, et qui à pour but de réunir victimes et criminels, qui ne se connaissent pas, pour engager un dialogue.

Le processus à pour but de tenter de se reconstruire et d’obtenir certaines réponses du coté des victimes, et du coté des agresseurs, de faire véritablement prendre conscience aux auteurs de ces crimes ce qu’ils ont fait subir à leurs victimes, et les traumas qu’ils ont engendrés.

Des affaires d’abus sexuels aux braquages en passant par les agressions et vols en tous genre,
des cercles de paroles sont crées pour tous types de crimes.

Justice et Écoute ! (Sans Spoilers)

Le film se divise en deux trames différentes :
D’un coté, on suit le processus complet de ces groupes de paroles, de leur conception à leur mise en pratique :
Ils sont composés de 2 médiateurs/juristes formés à la justice restaurative + 2 bénévoles ,
3 victimes d’agressions diverses et 3 détenus purgeant une peine de prison pour un crime similaire.

Pendant 5 semaines, le cercle de parole va se réunir pour échanger , écouter les histoires personnelles de chacun.
La colère, l’indignation et l’incompréhension vont d’abord régner au sein du groupe, et si certains sont sur leurs gardes à la première séance, le cercle de parole va peu à peu voir ses intervenants se livrer de plus en plus sur leurs expériences et traumas respectifs.

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Dali Benssalah, Anne Benoît et Fred Testot au cœur du cercle

L’autre partie du film s’intéresse à une histoire singulière, une victime d’abus sexuels qui tente de tourner la page et de se reconstruire, quant son passé va la rattraper lorsqu’elle apprend que son agresseur vient de ré emménager dans la même ville qu’elle !

Un film sur la puissance réparatrice des mots…Sur le dialogue !

On est parfois à la limite du documentaire ou de la pièce de théâtre puisque toute la moitié du film consacré aux cercles de parole, se passe dans une bibliothèque de prison !
Alors certes on est loin d’une flamboyante mise en scène ou réalisation, mais les dialogues et le jeu d’acting sont sur une telle harmonie , qu’on est très vite impliqué dans les histoires personnelles des uns et des autres

En parallèle, on va donc également suivre le parcours de Chloé interprétée par Adèle Exarchopoulos avec une histoire choc qui frappe des le début du film,
une victime d’inceste qui a été abusée par son frère ainé, pendant des années lorsqu’elle était adolescente.
Un film en lui même car on va suivre le parcours de cette jeune femme qui va tenter par le biais de la justice restaurative de tout faire pour ne plus jamais avoir à le (re)croiser.

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Adèle Exarchopoulos et Elodie Bouchez respectivement dans le rôle de la victime et de la médiatrice


A première vue ça peut paraître surprenant de faire appel à la justice pour une personne qui à purgé sa peine , mais cela fait partie de l’accompagnement des médiateurs et bénévoles qui sont chargés de créer un environnement idéal pour une médiation entre l’agresseur et sa victime pour pouvoir régler tous les détails de vie technique :
Quels sont les jours ou tu va faire tes courses ??
Dans quel magasin vas tu ?
Quel cinéma fréquente tu, Quels jours ??
En bref tous les détails qui peuvent paraître anodin, mais qui sont essentiels pour ne plus avoir aucun contact lorsque les deux parties habitent dans une même ville..
Le parcours va être long , très long pour pouvoir laisser le temps à la médiatrice d’installer une relation de confiance entre les deux parties et de faire face aux demandes de chacun.

Casting inégal !

Le casting est à la fois une force et une faiblesse du film selon moi,
une force car vu les dialogues fignolés aux petits oignons, les acteurs de la trempe de Gilles Lellouche , Leila Bekhti, Adèle Exarchopoulos ou encore Jean Pierre Darroussin sont parfaits et imposent un ton grave.
Et c’est aussi une faiblesse car on est parfois un peu trop proche de la performance à tous les étages comme une surenchère de monologues intenses, qu’on aurait aimé un casting avec un peu moins de grosses têtes d’affiche et plus de nouveaux talents moins expérimentés.

Malgré tout, on se retrouve vite captivé par les différents face à face, et ce avec des acteurs et actrices moins habitués au performance comme Dali Benssalah, Fred Testot ou encore Raphaël Quenard l’étoile montante du cinéma français actuel qui fait une courte apparition tout en sobriété, mais qui livre une scène d’intensité folle !

les interactions de chacun sont passionnantes pendant toute la première partie du film,
mais selon moi, arrivé à mi-chemin le film tourne un peu trop au mielleux, j’aurais aimé voir un peu plus d’aspérité entre agresseur et agressé

Le tout reste quand même globalement bon avec un film chorale qui laisse suffisamment de place aux histoires de chacun pour rendre le récit parfaitement rythmé entre rouages des médiateurs de la justice et échanges puissants lors des cercles de paroles…

Le film est certe imparfait, mais il met en lumière des hommes et des femmes de l’ombre qui font un tel travail admirable, aussi bien psychologique et humain, qu’on est très vite impliqué en tant que Spectateur.

Disponible en V.O.D et à la location,
Je verrai toujours vos visages est un un film français au sujet lourd mais fascinant, qui rafraichit, avec des dialogues au cordeau, et de bonne facture…On ne vas pas bouder son plaisir !

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